Comment agir pour prévenir un déplacement illicite d’enfant ?
Le parent qui suspecte son conjoint de préparer un départ à l’étranger en emmenant leur enfant mineur, peut, s’il n’a pas donné son accord, agir préventivement.
L’opposition à la sortie de territoire de l’enfant mineur sans l’autorisation des deux parents (OST)
En cas d’urgence avérée, le parent a la possibilité de présenter une demande d’opposition à la sortie de territoire (OST) de son enfant mineur, sans l’autorisation des deux parents.
Le parent doit alors saisir la préfecture (ou le commissariat de police ou la gendarmerie en dehors des heures ouvrables).
L’OST a pour objectif de permettre au titulaire de l’exercice de l’autorité parentale de faire opposition, sans délai, à la sortie du territoire national de son enfant dans l’attente d’obtenir, en référé, une décision judiciaire d’interdiction de sortie du territoire (IST).
Si le préfet accède à la demande OST, l’état civil de l’enfant, est inscrit au fichier des personnes recherchées et fait l’objet d’un signalement au système d’information Schengen. Après inscription dans ces fichiers, votre enfant ne peut plus passer un poste frontière pour quitter le territoire français. Il ne peut plus être amené à l’étranger.
La mesure prend effet pour une durée de 15 jours non prorogeable.
L’OST donne lieu à une saisine du procureur de la République par le préfet aux fins de lancer la procédure d’IST.
L’interdiction judiciaire de sortie du territoire (IST)
Hors situation d’urgence, le parent peut aussi saisir directement le juge aux affaires familiales (JAF) pour lui demander l’interdiction de sortie de territoire judiciaire (IST) de son enfant.
Si le JAF accède à la demande d’IST, l’enfant mineur ne pourra pas quitter le territoire français sans l’autorisation des deux parents.
Comme pour l’OST, l’enfant est alors inscrit au fichier des personnes recherchées (FPR) par le procureur de la République et fait l’objet d’un signalement au système d’information Schengen (SIS).
La durée de l’IST est fixée par le jugement du JAF et ne peut excéder deux ans.
Comment agir en cas de déplacement illicite d’enfant ?
Le déplacement à l’étranger d’un enfant par l’un de ses parents est considéré comme illicite, et donc comme un enlèvement international, lorsqu’il ne respecte pas le droit de garde (qui correspond en France à l’autorité parentale) de l’autre parent.
Le fait pour un parent de retenir à l’étranger, à l’issue d’un séjour déterminé, un enfant qui n’y réside pas habituellement est aussi considéré comme un enlèvement.
Le parent qui souhaite modifier le lieu de résidence de l’enfant, dès lors que ce changement modifie les modalités d’exercice de l’autorité parentale, est tenu d’en informer préalablement et en temps utile l’autre parent.
Un déplacement illicite est réprimé et puni d’une peine de trois d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Les dernières statistiques publiées
En 2023, 661 enlèvements parentaux ont été signalés aux forces de l’ordre soit une augmentation de plus de 21.5 % depuis 2022.
La part d’enlèvements assortis d’un départ hors de France est passé de 43 % en 2022 à 49 % en 2023.
20% des enfants emmenés dans un pays étranger avaient moins de 5 ans.
Les destinations sont diverses et regroupent plus de 61 pays étrangers, avec une prédominance pour :
- Le Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie).
- Les pays voisins de l’UE (Espagne, Belgique, Allemagne, Italie).
- Les États-Unis, Royaume-Uni, Japon.
Cette situation place l’enfant au cœur d’un conflit parental complexe, nécessitant une intervention juridique rapide et éclairée pour rétablir les droits du parent lésé et de son enfant.
Les textes applicables au retour immédiat de son enfant en France
La France est partie à trois principaux accords internationaux pour lutter contre l’enlèvement international d’enfants :
- La Convention de La Haye du 25 octobre 1980.
- Le Règlement européen n°2019/1111 du 25 juin 2019 dit « Bruxelles II ter ».
- La Convention du Luxembourg du 20 mai 1980.
La France a également ratifié 19 conventions bilatérales d’entraide judiciaire pour lutter contre le déplacement illicite d’enfants, comme la Convention franco-tunisienne du 18 mai 1982 ou la Convention franco-algérienne du 21 juin 1988.
- La Convention de La Haye du 25 octobre 1980
Ce traité international institue la coopération d’une centaine d’États, dont la France, pour laquelle il est rentré en vigueur le 1er décembre 1983.
La Convention s’applique à tout enfant qui avait sa résidence habituelle dans un État contractant immédiatement avant l’atteinte aux droits de garde ou de visite. L’application de la Convention cesse lorsque l’enfant parvient à l’âge de 16 ans. (art. 4).
Au sens de la Convention, le « droit de garde » comprend le droit portant sur les soins de la personne de l’enfant, et en particulier celui de décider de son lieu de résidence et le « droit de visite » comprend le droit d’emmener l’enfant pour une période limitée dans un lieu autre que celui de sa résidence habituelle (art. 5).
La Convention de La Haye s’inscrit dans une logique civile, et non pénale, elle ne régit pas le fond du litige, mais vise seulement à rétablir le statu quo ante, c’est-à-dire rétablir la situation antérieure à l’enlèvement en assurant le retour immédiat des enfants déplacés ou retenus illicitement.
Pour ce faire, chaque État partie a désigné une Autorité centrale (art. 6), chargée de faciliter la mise en œuvre de la Convention.
Bien que la Convention pose un principe de retour automatique, elle prévoit plusieurs exceptions,
dans lesquelles les juridictions de l’État de refuge peuvent refuser d’ordonner le retour de l’enfant, lorsqu’une période de douze mois s’est écoulée depuis le déplacement et que « l’enfant s’est intégré dans son milieu » (art. 12) ou qu’il « existe un risque grave que le retour de l’enfant ne l’expose à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable » (art. 13. b).
- Le Règlement européen n° 2019/1111 dit « Bruxelles II Ter ».
Applicable depuis le 1er août 2022 aux États membres de l’Union européenne sauf pour le Danemark, ce règlement relatif, en particulier, à l’enlèvement international d’enfant est une refonte du règlement n° 2201/2003 (Bruxelles II bis).
L’objectif principal de ce règlement, qui est mis en œuvre par une Autorité centrale dans chaque États membre, est d’assurer un retour rapide des enfants déplacés illicitement tout en renforçant la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant.
La juridiction de l’État de la résidence habituelle de l’enfant est compétente, sauf, en particulier, si l’enfant a acquis une résidence habituelle dans un autre État membre, y a résidé pendant au moins une année alors que le titulaire du droit de garde a eu ou aurait dû avoir connaissance du lieu où il se trouvait sans demander de retour, et il s’est intégré dans son nouvel environnement.
Le règlement pose notamment le principe, sous certaines conditions, de l’audition de l’enfant capable de discernement. Il pose un délai de principe de six semaines par instance pour prendre une décision dans les procédures de retour (art. 24), ainsi qu’un délai identique de six semaines pour procéder à l’exécution d’une décision de retour (art. 28).
Il prévoit également que les juridictions saisies ne peuvent refuser ce retour au motif qu’il exposerait l’enfant à un danger psychologique ou physique grave (art. 13 de la convention de La Haye), s’il est établi que les autorités de la résidence habituelle ont pris les dispositions adéquates pour assurer, dès son retour, sa protection.
De même, ce retour ne peut être refusé sans que le parent demandeur n’ait eu la possibilité d’être entendu.
Si le juge de l’État de refuge refuse le retour en raison d’un risque grave dans le pays de résidence habituelle ou en raison de l’opposition de l’enfant, le juge de la résidence habituelle peut être saisi par les parties pour rendre une décision sur les modalités d’exercice de la responsabilité parentale (dont la résidence de l’enfant, l’organisation du droit de visite).
Cette décision « finale », si elle fixe la résidence de l’enfant dans l’État de résidence habituelle, s’imposera alors à celle rendue dans l’État de refuge.
Cette décision, comme celles statuant sur le droit de visite, s’appliquera dans l’État de refuge sans exequatur (i.e. le juge ne vérifie pas si le jugement peut produire ses effets dans son pays)
Enfin, le règlement « Bruxelles II ter » encourage le recours à la médiation à tous les stades de la procédure (art. 25).
- La Convention européenne du Luxembourg
Conclue au sein du Conseil de l’Europe, la convention de Luxembourg du 20 mai 1980, entrée en vigueur en France, le 1er septembre 1983 a pour objectif de promouvoir des relations de coopération judiciaire entre les États contractants pour faciliter la reconnaissance et l’exécution des décisions étrangères en matière de garde et de droit de visite.
La Convention s’applique aux enfants de moins de 16 ans et peut être invoquée dès lors qu’une décision judiciaire ou administrative sur la garde ou le droit de visite a été rendue dans un État contractant. Cette décision peut être provisoire ou définitive mais doit nécessairement être exécutoire.
Chaque État partie dispose d’une Autorité centrale chargée de faciliter l’application de cette convention.
Si l’État de refuge et l’État de résidence habituelle de l’enfant sont tous deux États membres de l’UE, le Règlement « Bruxelles II ter » qui s’applique.
Comment obtenir le rapatriement de l’enfant le plus vite possible ?
Le parent qui constate le déplacement illicite de son enfant doit réagir dans les plus bref délais, en déposant plainte, puis, en saisissant l’Autorité centrale.
- Dépôt de plainte
L’enlèvement parental international d’enfant est une circonstance aggravante de la non représentation d’enfant qui est « le fait de refuser indûment de représenter un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer ».
S’agissant d’un délit, le dépôt de plainte du parent aura pour effet de saisir le procureur de la République, qui sera en mesure d’engager des poursuites à l’encontre du parent qui a enlevé l’enfant.
Cette procédure ne permet pas directement le retour de l’enfant, elle doit être complétée par la saisine de l’Autorité centrale.
- Saisine de l’Autorité centrale
Pour espérer un retour de l’enfant, le parent doit formuler une demande de retour de son enfant auprès de l’Autorité centrale au sein de la direction des affaires civiles et du Sceau (DACS) du ministère de la Justice, à savoir, le département de l’entraide, du droit international privé et européen (DEDIPE).
Le parent doit alors communiquer au DEDIPE, en plus des identités de l’enfant et des parents, un dossier comprenant le plus d’informations possibles (en français) attestant du déplacement de l’enfant (photographies récentes, contacts dans le pays étranger, adresse, profession du parent, justificatifs du fait que l’enfant vivait jusqu’à présent en France, etc.).
L’Autorité centrale requérante se chargera alors de saisir l’Autorité centrale du pays de refuge.
Si les enfants sont retenus dans un pays avec lequel il n’existe aucune convention, le parent doit contacter le service « Bureau de la protection des mineurs et de la famille (PMF) » du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
Pourquoi consulter un avocat peut-être décisif ?
Le parent confronté à un enlèvement parental international de son enfant doit agir vite. Le temps est un facteur crucial pour le succès de la procédure : plus le dossier est introduit tôt, moins l’enfant a le temps de s’enraciner dans le nouveau pays et plus les outils juridiques seront mobilisés à bon escient.
Les enlèvements parentaux mêlent émotions paralysantes et procédures internationales complexes.
S’entourer d’un avocat permet d’activer les meilleurs ressorts juridiques, au bon moment et de manière adéquate.