Faute inexcusable de l’employeur : définition et délais

L’obligation de sécurité et de santé incombant à l’employeur est une pierre angulaire du droit du travail en France. Cette obligation trouve son fondement dans le Code du travail et est renforcée par la jurisprudence constante de la Cour de cassation. Toutefois, lorsque l’employeur manque à cette obligation, la question de la faute inexcusable se pose avec acuité.

Qu’est-ce qu’une faute inexcusable ?

Selon la Cour de cassation, la faute inexcusable de l’employeur est constituée lorsque celui-ci viole son obligation de sécurité. Elle repose sur deux piliers :

  • L’inexécution de l’obligation de sécurité : l’entreprise doit veiller à la sécurité et à la protection de la santé de ses salariés.
  • La conscience du danger et l’inaction de l’employeur : le risque était identifié, mais aucune mesure adéquate n’a été prise pour protéger le salarié.

Un point essentiel à noter est la formulation suivante de la Cour :

« Le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ». (Cass. soc., 28 février 2002, pourvoi n° 00-10051)

Prouver la faute inexcusable de l’employeur

Il appartient au salarié victime de démontrer le caractère inexcusable de la faute commise par son employeur. Il doit prouver que celui-ci avait conscience du danger et n’a pas pris les dispositions nécessaires pour prévenir l’accident ou la maladie professionnelle. En cas de signalement préalable du danger qui s’est finalement réalisé, la reconnaissance de la faute inexcusable est permise.

Notons deux cas particuliers :

  • l’intérim et le CDD : il existe une présomption simple de commission d’une faute inexcusable de l’employeur lorsque le salarié – embauché sous contrat de travail temporaire ou à durée déterminée – ou le stagiaire en entreprise, est victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle et qu’il est attesté qu’il n’a pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée prévue par le code du travail. 
  • Signalement du danger : Lorsqu’un danger est signalé par le salarie ou par l’un des représentants du personnel au comité social et économique et qu’il se réalise, la faute inexcusable est alors reconnue de droit.

La procédure et les délais dans le cadre d’une faute inexcusable de l’employeur

La procédure de la faute inexcusable de l’employeur

La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur est une démarche judiciaire exigeante. Pour garantir les droits des salariés victimes d’un accident du travail, il est essentiel de bien comprendre et suivre les étapes de la procédure.

  1. Accident du travail

Tout commence par la survenue d’un accident au sein de l’entreprise ou dans le cadre professionnel. Dès lors, le salarié (ou ses proches, en cas d’incapacité du salarié) doit déclarer l’accident du travail à son employeur dans les 24 heures, qui aura ensuite 48 heures pour le déclarer à la CPAM (Caisse Primaire d’Assurance Maladie).

  1. Saisie de la CPAM

Après déclaration de l’accident, la CPAM prend le relais. Elle étudie le caractère professionnel de l’accident et définit le niveau d’indemnisation. Si le salarié estime que l’accident est dû à une faute inexcusable de l’employeur, il doit informer la CPAM de son intention de mettre en cause cette responsabilité.

  1. Conciliation

Avant de se diriger vers une phase contentieuse, une phase de conciliation est organisée par la CPAM. Elle a pour but de trouver un accord amiable entre le salarié et l’employeur.. Si la conciliation échoue, l’affaire est portée devant le pôle social du tribunal judiciaire en charge du contentieux de la sécurité sociale.

  1. Pôle social du tribunal judiciaire et reconnaissance de la faute

C’est devant le pôle social du tribunal judiciaire que l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur est  tranchée. Le salarié doit apporter la preuve de cette faute. Si le tribunal reconnaît la faute inexcusable, il se prononcera sur la majoration de la rente. Cette étape est cruciale pour la reconnaissance officielle de la faute de l’employeur.

  1. Expertise médicale

Suite à la reconnaissance de la faute inexcusable, une expertise médicale est souvent ordonnée pour évaluer les préjudices du salarié. L’expertise permettra de quantifier la gravité des séquelles, d’évaluer le taux d’incapacité permanente et de définir les besoins spécifiques du salarié en termes de soins ou d’aménagements.

  1. Pôle social du tribunal judiciaire et obtention des réparations

Finalement, le pôle social du tribunal judiciaire, à la lumière des conclusions de l’expertise médicale, se prononcera sur le montant des réparations dues au salarié. Outre la rente majorée, le salarié peut obtenir la réparation de préjudices spécifiques non couverts par le régime général.

La procédure de reconnaissance de la faute inexcusable est complexe et demande une attention particulière à chaque étape. Un accompagnement juridique est souvent recommandé pour garantir les droits du salarié.

Le délai de prescription de la faute inexcusable

La loi encadre les délais à respecter pour engager une action à l’encontre de l’employeur pour faute inexcusable. En général, ce délai est de deux ans à compter de la date de consolidation de la blessure ou du dernier versement d’indemnités journalières (article L431-2 du Code de la Sécurité Sociale). Toutefois, la Caisse dispose d’un délai plus long, soit 5 ans, pour agir, comme prévu à l’article 2224 du Code Civil.

Les indemnités en cas de faute inexcusable de l’employeur

Lorsqu’une faute inexcusable est établie, la victime a droit à une indemnisation supplémentaire. Elle peut obtenir la réparation :

  • De ses souffrances physiques et morales endurées
  • De son préjudice esthétique
  • De son préjudice d’agrément
  • De son préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle

En cas d’accident mortel, les ayants-droit peuvent demander la réparation de leur préjudice moral.

La Caisse, pour garantir la solvabilité de l’indemnisation, avance les frais et paie directement le salarie. Elle se retournera ensuite contre l’employeur ou son assureur pour obtenir remboursement. La rente est due à vie, et le recouvrement peut toucher le patrimoine personnel de l’employeur.

Ainsi, la notion de faute inexcusable est cruciale dans le droit de la sécurité sociale et du travail. Elle illustre la gravité de la responsabilité de l’employeur face à ses obligations et souligne l’importance de la prévention en entreprise.

Votre avocat répond à vos questions

Lorsque la faute inexcusable de l’employeur est reconnue, la victime bénéficie d’une indemnisation complémentaire. Ces indemnités visent à réparer certains des préjudices qui ne sont pas déjà couverts par le régime de la sécurité sociale. La victime peut ainsi prétendre à la réparation :

  • De ses souffrances physiques et morales endurées
  • De son préjudice esthétique
  • De son préjudice d’agrément (altération de sa qualité de vie)
  • De son préjudice  résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle
  • De son préjudice de déficit fonctionnel temporaire
  • De son préjudice résultant de son besoin d’être assisté temporairement par une tierce personne
  • Et, dans certains cas, de son préjudice sexuel

En cas d’accident mortel, les ayants-droit peuvent également prétendre à une indemnisation pour le préjudice moral subi

Pour que la faute inexcusable de l’employeur soit reconnue, il faut démontrer que :

  • L’employeur avait une obligation légale de sécurité et de protection envers le salarié.
  • L’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le salarié.
  • Malgré cette conscience du danger, l’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour protéger le salarié de ce danger.

La jurisprudence de la Cour de cassation a souligné à maintes reprises l’importance de ces critères. Notamment, si un salarié a signalé un danger à son employeur, et si ce danger se réalise, la faute inexcusable est alors reconnue de droit.

La reconnaissance de la faute inexcusable a des conséquences lourdes pour l’employeur :

  • Majoration de la rente : La victime voit sa rente majorée. Elle sera versée à un taux supérieur en fonction du taux d’incapacité permanente.
  • Indemnisation complémentaire : Outre la majoration de la rente, l’employeur (ou son assurance) doit indemniser directement la victime ou ses ayants-droit pour tous les préjudices non couverts par la rente.
  • Répercussions financières : Pour l’employeur, cela représente un coût financier considérable, d’autant plus si l’entreprise n’est pas assurée pour ce risque spécifique.
  • Répercussions sur l’image de l’entreprise : Au-delà des conséquences financières, la reconnaissance d’une faute inexcusable peut nuire à la réputation de l’entreprise.

Il est donc crucial, tant pour les salariés que pour les employeurs, de bien comprendre les enjeux et conséquences liés à la faute inexcusable. En cas de doute ou de litige, n’hésitez pas à consulter un avocat pour vous accompagner dans vos démarches.

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