L’assurance-vie qui échappe à l’héritier lésé

En 2023, les primes d’assurance-vie versées par les « épargnants » se sont élevées en France, à 126,9 milliards d’euros. Il s’agit de la deuxième année de collecte la plus élevée après 2021, selon les données récoltées par l’ACPR.

Largement plébiscité en tant qu’outil d’épargne, l’assurance-vie reste également un placement intéressant, à l’instar du Livret A, dès lors qu’elle reste mobilisable dans les limites définies par le contrat d’assurance, sous forme de rachats. A ce titre, les rachats ont également fortement augmenté en 2023, s’élevant à 84,1 milliards d’euros.

L’importance de ces rachats est due principalement à l’inflation (mobilisation de l’épargne pour financer des dépenses du quotidien) mais également à la hausse des coûts des crédits immobilier (rachat du capital d’assurance vie pour financer un investissement immobilier).

Placement financier intéressant et flexible, l’assurance vie constitue également un outil de transmission de son patrimoine au profit de bénéficiaires.  

Des règles précises figurent au code des assurances, afin de ne pas permettre le contournement des règles relatives au Droit des succession. Un bref exposé de ce régime juridique suit :

En quoi l’assurance-vie permet elle de transmettre son patrimoine ?

En tant qu’outil de transmission de son patrimoine, l’assurance vie échappe à la succession.

En effet, le capital existant au jour du décès, constitué des primes d’assurance-vie versées du vivant de l’assuré, n’entre pas dans la succession du souscripteur et peut être librement versé aux bénéficiaires.

Ce faisant, le capital ou la rente payable au décès du souscripteur, au profit du bénéficiaire désigné, n’est ni rapportable à la succession du défunt, ni sujette à réduction au motif qu’elle aurait été consentie dans des proportions portante atteinte à la réserve héréditaire des héritiers légaux. 

En d’autres termes, pour le capital investi et demeurant (ou la rente) lors du dénouement du contrat, ce régime juridique ne trouve pas à s’appliquer.

Le souscripteur d’une assurance-vie peut il transmettre l’intégralité de son patrimoine par assurance vie ?

Les primes versées de son vivant par le souscripteur ne sont pas rapportables à la succession et peuvent être versées dans des proportions qui excèdent la quotité disponible du défunt, uniquement si ces primes n’ont pas manifestement excédé les ses facultés.

Dans le cas contraire, les primes disproportionnées par rapport aux facultés du défunt sont sujettes à réduction, les bénéficiaires étant alors tenus d’indemniser l’héritier lésé de la portion excédant la quotité qui était seule disponible. 

Pour apprécier le caractère manifestement exagéré des primes versées, il faut évaluer ses facultés :

– au moment des versements litigieux ;

– au regard de critères objectifs tenant à l’âge ainsi qu’aux situations patrimoniales et familiales du souscripteur ;

– enfin, au regard d’un critère subjectif tenant à l’utilité du contrat pour ce dernier ;

Il faut, pour en faire la démonstration, comparer l’importance des versements effectués aux revenus et au patrimoine qui étaient ceux du défunt et analyser les clauses du contrat afin de déterminer si sa souscription poursuivait un but autre ou supplémentaire que la seule volonté de transmettre son patrimoine.

En principe, si la souscripteur liquide l’entièreté de son patrimoine et en place le produit sur une assurance vie, désignant comme bénéficiaire, une tout autre personne que ses héritiers légaux, l’assurance-vie devient rapportable et réductible à hauteur de la seule quotité disponible. 

Un héritier peut-il contester une assurance vie dont il est évincé ou qui porte atteinte à ses droits ?

Un hériter dont l’assurance vie souscrite au bénéfice d’un tiers ou de plusieurs tiers (dont celui-ci), qui porterait atteinte à sa réserve héréditaire, est admis à saisir le tribunal judiciaire d’une action en réduction tendant à être indemnisé à hauteur de ses droits.

La jurisprudence étant particulièrement exigeante sur la démonstration des conditions requises, il est nécessaire d’être accompagné d’un avocat expérimenté en la matière.

Mon conjoint peut-il revendiquer le bénéfice de l’assurance vie souscrite par mes parents à mon bénéfice ?

 Lors de la liquidation du régime matrimonial des époux, il n’est pas rare que l’un d’eux revendique le bénéfice de la moitié de l’assurance vie perçue par le conjoint, alors même que cette dernière a été souscrite par ses ex-beaux-parents. 

Il existe alors un débat, une partie de la doctrine considérant que les contrats d’assurance vie souscrits au bénéfice d’époux communs en biens, ne sont pas des libéralités et constituent des acquêts de communauté. 

Le cas échéant, il appartient à l’époux qui revendique la qualité de propre de l’assurance vie, de démontrer l’existence d’une clause d’exclusion de la communauté.

Tandis qu’une autre partie de la doctrine considère que lorsque l’époux commun en biens est désigné bénéficiaire, nul doute qu’il s’agit d’une libéralité. Le cas échéant, l’époux bénéficiaire doit à son conjoint la moitié de l’actif existant à la date des effets du divorce (incluant l’assurance vie qui est incorporée à la communauté) mais se voit allouer une récompense due par la communauté à hauteur du même montant, de sorte que l’opération est neutre et que l’intégralité de l’actif lui revient.

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