Le recel successoral

Le recel successoral n’est pas défini par la loi mais par la jurisprudence. 

Il suppose la dissimulation d’une libéralité d’une part ou le divertissement/détournement d’un des effets du de cujus, ainsi que la preuve d’une intention frauduleuse, c’est-à-dire d’une intention de porter atteinte aux droits des autres héritiers. 

La preuve de la dissimulation ou du divertissement

Cet élément matériel du délit de recel successoral est soumis à la libre appréciation souveraine des juges du fond. Lesquels ont pu par exemple considérer que le fait de fournir au notaire en charge de la succession des explications sur l’emploi de chèques bancaires émis au bénéfice d’un héritier qui prétend ne pas avoir été gratifié mais avoir été rémunéré ou indemnisé de dépenses engagées dans l’intérêt du de cujus, constituait le délit de recel successoral.

De même, l’usage d’une procuration à son bénéfice par le recel qui ne parvient pas à justifier de l’engagement des dépenses ou des prélèvements dans l’intérêt du de cujus, peut être constitutif d’une dissimulation ou d’un divertissement.  

S’agissant des contrats d’assurance vie, leur non-révélation ne constitue pas nécessairement l’application du délit de recel successoral en l’absence de preuve du caractère manifestement excessif des primes qui ont été versées. 

De manière plus générale, la dissimulation peut ne pas nécessairement porter sur un objet ou effet de la succession mais sur l’existence d’une dette d’un héritier envers le défunt (la dette constitue en somme une sorte d’actif successoral pour les autres), ou encore la dissimulation d’un héritier voire d’un testament instituant un tiers légataire universel ou à titre universel. 

La preuve de l’intention de porter atteinte aux droits des autres héritiers 

L’intention frauduleuse est l’intention de porter atteinte aux droits des autres héritiers, les juges du fond l’appréciant souverainement en procédant à une recherche et analyse des mobiles du successible. Même si cette intention se déduit souvent des procédés et manipulations du successible, elle reste une condition à part entière qui ne résulte pas de la seule dissimulation ou du divertissement, ce qui distingue notamment le recel successoral de la donation déguisée. En effet, le donataire qui n’a pas fait état de la donation ou qui n’a pas subtilisé un effet du de cujus n’a pas nécessairement eu l’intention de porte atteinte aux droits des héritiers. La différence de sanction est importante, une donation déguisée étant seulement rapportable à la succession et réductible, le successible conservant des droits sur l’objet donné tandis que l’effet recelé échappe au successible qui se voit privé de sa part sur celui-ci, laquelle revenant aux héritiers victimes. 

Pas de recel successoral sans héritier 

Lorsqu’ont été dissimulées des libéralités au profit d’un légataire à titre universel désigné comme tel par voie testamentaire, alors qu’il n’existe aucun héritier réservataire, les libéralités consenties ne sont, de ce fait, ni rapportables, ni réductibles. En conséquence, il ne peut être reproché à l’intéressé d’avoir commis un recel successoral. 

Sauf à ce que le légataire en question soit en concours avec un colégataire, et ce même en l’absence d’un héritier réservataire. 

Différence avec la donation déguisée

La démonstration d’une donation déguisée suppose de démontrer, d’une part, que derrière une certaine opération se cache en réalité une donation (c’est la preuve du déguisement) et d’autre part l’intention libérale du donateur. 

La première de ces deux conditions pose moins de difficultés, s’agissant d’une preuve qui peut être faite librement, et qui suppose la preuve d’éléments matériels appréciés souverainement par le juge. L’intention libérale quant à elle ne peut en principe être démontrée par le simple appauvrissement du donateur. La cour de cassation valide toutefois parfois ce type de motivation, sans même se retrancher derrière le pouvoir souverain des juges du fond.

Il n’en résulte pas nécessairement un recel successoral. En effet, pour caractériser le délit faut-il démontrer d’une part une dissimulation de la donation mais d’autre part une intention frauduleuse, qui consiste à vouloir rompre l’égalité du partage. Seront donc prises en compte à la fois les circonstances contemporaines de la donation, celle-ci ayant souvent été consentie, bien avant le décès du de cujus et l’ouverture de la succession, mais aussi les circonstances lors de l’ouverture de la succession et ainsi, le fait que le donataire ne déclare pas ladite donation au notaire, qu’il refuse de répondre à l’héritier qui l’interroge sur le sujet ou encore, la rapidité avec laquelle la donataire a renoncé à la succession.

La déchéance de la faculté de renoncer à la succession 

L’une des peines civiles résultant du recel successoral est que l’héritier ne peut plus accepter à concurrence de l’actif net. Privé par ailleurs de la faculté de renoncer à la succession, il devient héritier pur et simple, sans toutefois, pouvoir prétendre à aucune part dans les objets divertis ou recelés. 

Privation des droits du receleur sur l’objet diverti

L’auteur du recel successoral se voit privé de tout droit sur l’objet diverti, dissimulé, recelé de sorte que les droits des héritiers ou colégataires s’en trouvent d’autant augmentés. Il reste qu’on ne peut étendre cette privation de droits aux opérations que le gratifié a pu réaliser grâce au recel. Ainsi, les héritiers victimes ne peuvent-elles prétendre à l’immeuble acquis ou aux actions (ou encore aux dividendes qu’elles génèrent) même s’ils démontrent que ce sont les fonds ou effets recelés, divertis, dissimulés, qui ont permis l’acquisition. 

Les sanctions déjà très lourdes s’arrêtent là. L’auteur du recel successoral n’est pas tenu envers l’administration fiscale des droits de mutation afférents à l’effet diverti. S’agissant en effet d’une dette personnelle de l’hériter et non d’une dette de la succession à laquelle il serait tenu (hériter pur et simple au titre du recel successoral), la dette ne sera due que par les héritiers qui ne sont pas auteurs du délit et qui se verront donc reconnaître des droits résultant de leur situation personnelle d’héritier, outre ceux dont le receleur a été privé (ce qui fait augmenter de ce fait également l’assiette de l’impôt les concernant).

Le repentir n’empêche la sanction que si la restitution est spontanée et antérieure aux poursuites

Il n’y a point de recel successoral lorsque l’auteur de la dissimulation ou du divertissement rend l’effet litigieux avant qu’on ne le lui demande ou que des poursuites soient engagées.

Ces deux conditions sont cumulatives, c’est-à-dire que la restitution par le recel, de l’effet diverti ou dissimulé, après l’engagement des poursuites n’écarte pas le recel successoral, de même que la restitution, même avant engagement des poursuites, lorsque celle-ci intervient sur la demande d’un héritier qui a découvert le recel.

Indivisibilité des condamnations prononcées en cas de connaissance du recel par plusieurs héritiers

Il n’est pas rare qu’un recel successoral soit commis par plusieurs héritiers à l’égard d’une même succession et ce, sur des objets différents. Le cas échéant, n’est auteur du recel successoral que celui qui a dissimulé ou diverti l’objet en question. En revanche, l’héritier qui a eu connaissance du recel sans en avertir les autres se voit infliger les mêmes sanctions que l’auteur du recel, non comme complice ou co-auteur du recel dont il n’est pas coupable mais comme héritier ayant eu connaissance des faits sans les avoir dénoncés. La juridiction saisie d’une action en liquidation et partage d’une succession par un héritier, qui se trouve saisie d’une demande de condamnation au rapport à l’égard de deux autres héritiers auteurs de deux recels distincts commis personnellement par chacun d’eux, peut les condamner indivisément au rapport et les priver en totalité et tous les deux, de leurs droits sur les deux objets distincts, dès lors qu’est établie la connaissance réciproque qu’avait chacun d’entre d’eux du recel commis par l’autre.

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